17 novembre 2018 – 5 décembre 2019 : un an de Gilets Jaunes

17 novembre 2018 – 5 décembre 2019 : un an de Gilets Jaunes

Voici un peu plus d’un an démarrait un mouvement inédit, celui des Gilets Jaunes qui, certes affaibli, se poursuit néanmoins aujourd’hui. La grève du 5 décembre prochain pourrait être l’occasion de relancer le mouvement voire de lui donner un second souffle.

Quel bilan peut-on dresser de l’action de ces douze mois de Gilets Jaunes ?

Au nombre des points positifs :

• L’ampleur du mouvement quand bien même le Système (gouvernement, media, police, …) fait tout pour minimiser son importance. La popularité des GJ est restée à un niveau très élevé pendant de longs mois, celle-ci s’est peu démentie ces derniers temps,
• Le dépassement des clivages traditionnels (droite-gauche par exemple), avec en ligne de mire l’opposition au Système et à son représentant emblématique, Emmanuel Macron, lequel est bien perçu dans son rôle de porte-parole de l’oligarchie financière. A l’origine, ce mouvement est, non pas apolitique, mais a-partisan et c’est ce qui a fait sa force mais également le fait qu’il n’ait pas de leaders.
• Il s’ensuit que ce mouvement a pris de court les partis et syndicats qui espéraient que ce mouvement s’éteindrait comme un feu de paille. Cela n’étant pas le cas, ils se sont résolus à soutenir le mouvement puis ils ont tenté d’exploiter à leur profit le terreau des Gilets Jaunes. Pour nombre de nos compatriotes, il est clair qu’il y a d’un côté l’oligarchie et ses affidés, de l’autre le peuple, les 1 % contre les 99 %,
• Ce mouvement s’inscrit dans la durée et dans l’espace même s’il s’agit davantage d’un mouvement de la France périphérique (Christophe Guilluy), de la France des laissés pour compte, de ceux que les Hollande, Macron et consorts ont traité par le mépris. Et précisément, ce qui est nouveau c’est le mépris caractérisé, l’arrogance affichée au plus haut sommet de l’Etat. La détermination des Gilets Jaunes n’est pas étrangère au mépris macronien ; comment ne pas avoir à l’esprit les petites phrases, souvent prononcées de l’étranger, qui sont autant de provocations gratuites à destination de tous ceux qui crient leur désespoir,
• Le mouvement des Gilets Jaunes a été perçu par le Système, à juste titre, comme une réelle menace. La répression tant policière que judiciaire, sans précédent depuis la guerre d’Algérie, illustre, à souhait, la faiblesse d’un Système aux abois. La fragilisation du Système est patente.

Il s’en faut cependant que le Système soit totalement ébranlé. Le Système est faible mais il se défend bien et on l’a observé lors des élections européennes du 26 mai dernier. La liste de la falote Nathalie Loiseau est arrivée deuxième et loin devant ses challengers (LR-LFI-PS,…). La liste du Rassemblement National, censée faire un gros score et présentée, à dessein, comme l’opposant n° 1 à Macron, y compris en la diabolisant (stratégie voulue par le Système et acceptée par le R.N. qui y trouve son compte) n’a obtenu qu’un peu plus de 200 000 voix de plus que la liste LREM. Ainsi, Macron avec l’épouvantail Le Pen et la marionnette écolo Jadot (en 3^ème position) se retrouve conforté dans son pouvoir. Pour la plupart des GJ, la ligne était Tout sauf Macron ne se rendant pas compte que, par la même occasion, ils donnaient du crédit au discours de dramatisation du Pouvoir qui appelait à aller voter et cela a fonctionné. L’abstention a été bien moins forte que prévu alors qu’en toute bonne logique, il eût fallu  délégitimer le Système par tous moyens, à commencer par le boycott des élections.

Le Système use des artifices les plus éculés, en premier lieu le classique Diviser pour régner.

Le manque de formation, de conscience politique de la plupart des Gilets Jaunes les a rendus vulnérables aux sirènes venant de tous les horizons et il faut bien le dire, la manipulation a été totale de la part du gouvernement. Dès le début du mouvement, alors qu’il était possible de bloquer totalement le pays à une période cruciale (décembre 18), la grève des transporteurs routiers a avorté suite à la satisfaction de revendications catégorielles. La violence dans la rue, provoquée par des policiers infiltrés au sein des GJ, exploitée par les media aux ordres a servi à décrédibiliser les GJ de même que l’exploitation de bagarres de bandes opposant des extrémistes de gauche et de droite. A ce sujet, il faut bien reconnaitre que lesdits extrémistes ne sont souvent que des pions du Système, conscients ou non, manipulés ou non. Si ces extrêmes ont pour objectif d’abattre le Système, en réalité, le fait de s’opposer les uns aux autres ne fait que renforcer le Système qu’ils prétendent combattre.

Cela vaut aussi pour le clivage éculé, artificiel droite / gauche qui n’a d’intérêt qu’au niveau politicien. En réalité, le seul gagnant est Macron, que les uns jugeront de droite s’ils sont de gauche et de gauche s’ils sont de droite, preuve de l’inanité du clivage. Le clivage droite / gauche ne sert, là comme en d’autres circonstances, qu’à opposer de façon stérile des fractions de la population et ce, pour le plus grand profit de la classe dominante qui elle, tire les ficelles.

Dans ces jeux de manipulation, les marionnettistes sont très forts et s’ingénient à opposer les femmes aux hommes, les fonctionnaires (des fainéants, des privilégiés, …) aux salariés du secteur privé, les grévistes au reste de la population (laquelle serait prise en otage !), les actifs aux retraités, les ouvriers et employés à la classe moyenne, ceux qui défendent les régimes spéciaux de retraites (allusion de Macron pour réduire la grève du 5 décembre à un mouvement de privilégiés défendant leurs régimes spéciaux).  Faute d’éducation et d’une prise de conscience suffisante, bon nombre de compatriotes tombent dans le panneau pourtant très grossier qui leur est tendu.

Parmi ces opérations de diversion, il y a la question de l’islamophobie (ou prétendue) qui a servi à rameuter des milliers de manifestants opposant là encore des Français les uns aux autres alors qu’en ce domaine, la question n’est pas celle de l’islam mais celle de l’immigration massive, voulue, organisée par les élites mondialisées et en premier lieu, pour le plus grand bénéfice des entreprises multinationales.

Alors que le feu brûle dans la maison (comme eût dit une autre marionnette !), le gouvernement ne trouve rien de plus important que d’organiser un Grenelle des violences conjugales !

Une autre opération de diversion est celle du néo-féminisme. On a vu, en effet, des Gilets Jaunes tomber dans le panneau en organisant des manifestations spécifiques pour les femmes. Rien de plus ridicule et ce, d’autant qu’il s’agit d’une évolution sociétale voulue par le Système et dont les prolongations logiques sont la PMA et enfin la GPA, soit l’aboutissement ultime de la société de la marchandise (ou société de consommation ou totalitarisme marchand) ainsi que le relève très justement la philosophe Sylviane Agacinski.

Les manifestations en faveur du climat, autre opération de diversion, ont également attiré des GJ alors que, on s’en souvient, c’est la hausse des taxes sur le carburant (voulue entre autres par les écologistes) qui a mis les GJ dans la rue le 17 novembre 2018. Au nom d’une prétendue transition écologique liée à un réchauffement climatique qui oppose les scientifiques entre eux (mais il est interdit de débattre !) il s’agit de culpabiliser le citoyen-consommateur en le taxant toujours plus alors que les plus gros pollueurs sont pas ou peu taxés. On voit bien que là encore, la myopie de certains GJ teintée d’un certain angélisme les empêche de raisonner comme il le faudrait.

Enfin, je souhaiterais aborder deux sujets qui, j’en ai conscience, vont faire polémique.

Le premier est celui du RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne) dont se sont emparés une grande partie des GJ. Ce succès médiatique du RIC est en soi assez suspect comme si, en quelque sorte, l’idée avait été concoctée par quelque officine ayant intérêt à souffler une utopie marchande, répercutée ensuite par l’ensemble des GJ. Il est pour le moins curieux que l’insignifiant Etienne Chouard ait bénéficié des feux de la rampe alors qu’il n’y a aucun espoir, aucune possibilité que ce RIC voie le jour dans le cadre du Système. Le RIC n’est tout au plus qu’un moyen et non une fin. L’objectif est la chute, d’une manière ou d’une autre, de ce Système et de tous ses représentants. Il est important de ne pas se tromper de combat.

Le second est celui de la démocratie. Si on entend les doléances de la plupart des GJ, il apparait une demande de plus de démocratie, d’une « vraie » démocratie, d’une démocratie participative. Ces demandes peuvent se comprendre. Il reste que la force du Système réside dans l’imposition de sa Sémantique : la Démocratie, la Liberté, les Droits de l’Homme avec ses propres contenus. Et pour paraphraser George Orwell,  La Dictature c’est la Démocratie. Aussi, apparaît-il assez vain, de s’opposer au Système sur un terrain qui est le sien et sur lequel il a la maîtrise du langage manipulatoire. Il serait plus judicieux de dénoncer et combattre la société totalitaire qui se met en place. Nous devons avoir, nous aussi, notre bataille sémantique et se décliner autour de la défense de la liberté d’expression.

Telles sont les réflexions à la veille de ce mouvement du 5 décembre qui n’aura de sens qu’à partir du moment où il se transformera en grève générale et à condition que le peuple s’empare du mouvement par-delà les appareils (bureaucraties syndicales et politiques) toujours prêts à trahir pour un plat de lentilles, un strapontin, une prime…

Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.

Yannick Sauveur