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LE BLANC ET LE NOIR

LE BLANC ET LE NOIR

Dans la vie rien n'est jamais tout blanc ou tout noir. Ni droite / Ni gauche / Ni extrémismes mais résolument Contre le Système totalitaire marchand


L’AMERICANISATION DE L’EUROPE

Publié par Leblancetlenoir sur 1 Mars 2016, 05:21am

Catégories : #Impérialisme culturel, #AMERIQUE, #EUROPE

  L’AMERICANISATION DE L’EUROPE

L’article ci-dessous est issu d’une conférence prononcée il y a plus de 50 ans. Elle fut reproduite dans L’Europe Communautaire (N° 16 – mars 1965), revue du Centre d’Etudes Politiques et Sociales Européennes (CEPSE). L’E.C. était la revue doctrinale de Jeune Europe.

Même si cet article peut paraître un peu daté par certains côtés, il demeure un témoignage intéressant d’une réflexion anti américaine à une époque où celle-ci était l’apanage de l’extrême gauche. La politique gaullienne d’indépendance nationale (retrait de l’OTAN en 1966) contraste singulièrement avec l’attitude proaméricaine de la gauche, du centre, de la droite et de l’extrême droite. Il faudra attendre 1975 et la publication d’un numéro de la revue Nouvelle Ecole consacré à L’Amérique. Le regretté Giorgio Locchi, l’auteur de cette étude polémique a permis à une fraction de la droite d’abandonner son américanolâtrie en lui faisant rejoindre des positions qui étaient familières aux animateurs de Jeune Europe. Dès le début des années 60, l’organisation dirigée par Jean Thiriart mène un combat anti impérialiste et désigne prioritairement l’Ennemi Américain. Au-delà du raisonnement en termes géopolitiques, l’analyse de l’américanisation de la société constitue une originalité pour l’époque et ce, d’autant plus que l’acculturation n’a pas produit les ravages que nous constatons partout en Europe.

Leblancetlenoir

L’AMERICANISATION DE L’EUROPE

Par J.P.GAMBIER

L’Amérique pourrit notre âme ; l’Europe, c’est l’esprit qui s’applique à la matière et lui donne sa forme ; l’Amérique, c’est la matière livrée à soi-même mais qui délire, mais d’un délire plat et morne. La prolifération de la vie aux Etats-Unis est une prolifération cancéreuse et inféconde. Le dynamisme américain est stationnaire voire régressif ; il ne fait pas avancer l’homme ni l’esprit d’un pas.

Voici plus de vingt-siècles la lumière se leva sur le monde, dans une péninsule aride et montueuse, aux rivages déchiquetés. De jeunes guerriers vont mettre, joyeux et profonds, le siège devant Troie, un poète aveugle les chante, eux qui humilièrent la morgue de l’Asie, et ils sont tellement beaux, tellement riches de leur postérité inconnue qu’Homère doit sans doute les préférer aux dieux qu’il dépeint. Trois cents soldats de Sparte brisent la marée orientale, et Athènes se couvre de temples, Delphes exulte d’une vivante et vibrante floraison de pierres.

Accoutré d’un short de couleurs voyantes, l’appareil de photographie frappant avec rythme son ventre mou, le Baedeker à la main, le yankee déambule, un peu méprisant, assez débonnaire, au milieu des sanctuaires écroulés. Il n’est pas mécontent d’avoir amené son épouse voir de plus près les beaux restes de l’Europe.

L’enfant grec est mal habillé, et plutôt crasseux ; avec la condescendance de la souveraineté, le citoyen de Boston lui fait cadeau d’une pièce ; qu’il puisse aller au cinéma.

Le soleil qui se couche sur l’Acropole n’est pas le soleil de la liberté.

Et notre servage, ici en Europe occidentale, est un servage larvé. Ah ! si tous les Américains étaient des tyrans ! Vous verriez Paris et Amsterdam, Frankfort et Naples se lever d’un coup, et le ciel de nos pays revêtir les couleurs de l’orage. Vous verriez comme les Russes l’ont appris à Berlin et à Pilsen, à Poznan et à Budapest, qu’on peut mourir pour garder son âme. C’est la chair de l’Europe centrale et orientale que tiennent prisonnière les armées du Kremlin ; mais c’est notre âme que l’américain et ses domestiques du régime empoisonnent et émiettent.

Une note, un cri rauque part du juke-box, et la mécanique humaine se déclenche. On bat des mains, les pieds trépignent, on se croit dieu et libre parce qu’on est occupé par le beuglement importé d’au-delà de l’Atlantique.

Et cette mécanique humaine appartient à la race qui vit Covadonga et Lépante, à Ia race qui inventa l’ordre et la liberté, l’audace et la mesure, à la race qui créa le monde en le découvrant, qui donna leurs noms aux tâches blanches des atlas, à la race de la conquête et de la méditation .

Et c’est vous, Américains, qui avez failli faire avorter ce que l’Europe préparait depuis longtemps et avec une telle patience et avec une telle ardeur, c’est vous qui corrompez l’âme du plus grand peuple de l’histoire, notre peuple, et l’infectez de vos plaisirs de pacotille et de vos bonheurs d’artifice.

Et la tristesse indicible et inconsciente dans les yeux d’une jeunesse désaxée que vous gravez de vos médiocres conforts et de vos romantismes au rabais vous en êtes responsables.

Mais les jeunes gens tristes ont des frères, qui sont des jeunes gens en colère. Mais les jeunes gens tristes ont des frères, pleins d’espoir et de rage, qui vous bouteront dehors, vous et vos drogues à bon marché.

Vous ne pouvez pas comprendre. Vous aurez à peine le temps de vous étonner. Vous ne pouvez comprendre le soleil, qui a brillé sur Salamine.

L’aliénation morale de l’Europe ne sera brisée que par la révolution politique. C’est dans la mesure où son vouloir-vivre est oblitéré par l’américanisation que l’Europe est décadente.

Regardons les adolescents sur les champs de foire, dans les salles obscures ou dans les artères commerciales, les gamines de quatorze ans perchées sur leurs hauts talons, les joues fardées, les lèvres peinturlurées, l’œil flasque et la prunelle allumée. Triste parodie de la jeunesse. Mais comment en serait-il autrement ? Des mercantis se sont rendu compte que les adolescents, jouissant désormais d’un certain argent de poche, constituaient une classe de consommateurs encore peu touchée et dont il aurait été sot de ne pas profiter. On a purement et simplement repris aux Etats-Unis une série de procédés qui avaient fait leurs preuves, et on a créé de toutes pièces le phénomène « teenager » : les moins de vingt ans.

Radio et télévision, d’état ou périphériques, se sont mises en branle, dans leur sillage ont surgi une série de publications, qui ne rivalisent que de bêtise ; on a inventé des idoles, Richard, Sheila, les Beatles, qui et cette constatation est plus effrayante que toutes les philosophies pessimistes, semblent effectivement avoir comblé, en partie au moins, le vide affectif de l’âme des pauvres adolescents des années soixante. Une maison de disques, Philips, se fait gloire qu’un fan ait écrit à sa vedette Johnny Halliday : « Tu es un dieu, tu es un démon, tu es celui que nous attendions ! »

Beaucoup ont bien fait leurs affaires. Ils répondront un jour devant la nation européenne du forfait d’avoir abruti une génération pour le plus grand soulagement du régime.

Le juke-box offre à celui-ci le double avantage de démolir l’énergie de la jeunesse et de la détourner. Certes, le système ne rend pas la jeunesse des pays européens heureuse, il n’a pas encore réussi à lui faire croire que le ventre repu c’est le bonheur, la licence la liberté et la bureaucratie l’ordre où aspire tout être bien-né. Certes, les poings se serrent, on a envie d’autre chose et si on la connaissait, cette autre chose, on la prendrait et on s’y dévouerait sans douceur et sans ménagement.

Mais la musique des Rolling Stones décharge ces jeunes fous, qui pourraient mal tourner, de leur violence et de leur pureté. Dormez en paix, nantis du régime, il existe une jeunesse que le yéyé n’empêchera pas de vous réveiller en sursaut.

Pour le productivisme américain comme pour le productivisme ouest-européen, son émanation et son vassal, l’idéal est de réduire chaque personne à une unité de consommation. Une classe financière extrêmement limitée –pour un pays comme la Belgique, disons deux ou trois mille individus, en comptant les larbins, politiciens, syndicalistes officiels, technocrates – détient le véritable pouvoir, et non la nation. C’est la démocratie. A cette classe la vraie liberté ; éventuellement, les dames des grands de ce monde pacifieront leurs consciences raffinées en militant dans des organismes qui réclament autant d’abnégation que la Croix Rouge ou le Comité contre la Faim dans le Monde. Quel dévouement il faut pour supporter ses trois cocktails hebdomadaires au profit des chômeurs algériens.

Cette classe privilégiée est liée directement à la finance d’Outre- Atlantique ; Lambert est le nom que prend à Bruxelles la maffia qui s’appelle Rothschild à Paris et Rockefeller à New-York. Les oligopoles d’Europe ont assuré leur pouvoir à la façon qui avait réussi à leurs suzerains yankees ; ils ont établi une barrière non pas politique, mais psychologique, entre la nation (celle-ci s’étendant jusqu’à des classes que le marxisme tient pour oppressives) et eux. Ce sera aux fils des chevaliers d’industrie et des barons des cartels que reviendront les places des pères. Il s’agit donc que le peuple soit satisfait, qu’il se croie libre, qu’il pense participer équitablement à la gestion et à la richesse du pays.

Pour rendre la nation étrangère au pouvoir, ils disposent d’un jeu d’armes redoutable et efficace : radio-télévision, publicité, presse, cinéma, musiquettes, qui sont autant de drogues systématiquement employées à saper la volonté légitime de la nation de prendre en main ses destinées.

La mauvaise qualité de ces drogues massivement utilisées est telle qu’elle menace l’âme européenne dans son existence. La tyrannie masquée de la haute finance cosmopolite est plus dangereuse pour la civilisation européenne que ne l’était pour la civilisation antique, la tyrannie ouverte des empereurs de la basse époque. Mais un jour, la nation européenne agira par elle-même et demandera des comptes.

Le publiciste français Claude Mettra écrivait récemment : « la sexualité passive qui environne l’homme moderne, qui à travers le cinéma, les magazines féminins et les affiches publicitaires, le transforme en voyeur permanent, est pour la collectivité le meilleur des tranquillisants ». Il aurait mieux fait d’écrire : pour la caste au pouvoir, la plus sure des garanties.

Autre invention que nous devons à l’Amérique et qui joue un rôle important dans le nivellement moral de l’Europe contemporaine : la télévision. Gagliardi parle dans son dernier ouvrage de l’homme télébruti. L’expression est jolie et adéquate.

Non seulement la télévision constitue un instrument incomparable de gouvernement pour les régimes plébiscitaires, mais encore elle lamine chaque jour davantage l’individualité (il y a évidemment d’heureuses exceptions). Pour une tragédie grecque ou pour un simple spectacle de variétés convenable, que de Capitaine Troy ou d’autres feuilletons où le mauvais goût le dispute à la niaiserie ! Que de Papa a raison, sinistre décoction vertuiste et bêtifiante de l’american way of life !

Depuis six heures jusqu’à onze heures du soir, voici les gosses rivés au petit écran, absorbant sans que puisse jouer le moindre esprit critique, toutes les balivernes, tous les romantismes à cinq sous (…) que déversent les émetteurs.

La télévision broie la vie personnelle ; c’est le paradis artificiel de la masse et un des remparts les plus solides du régime.

Nous sommes également redevables à l’Amérique d’un des phénomènes les plus aberrants de l’époque une certaine religiosité commerciale – car il ne s’agit plus de religion – à grande échelle. Un Billy Graham (théologien et prédicateur chrétien évangélique américain, ndlr), qui vend en même temps de la piété et du dentifrice, et son éclatant succès sont symptomatiques de cet état de fait. C’est aussi d’Amérique qu’a reflué sur l’Europe la lèpre des sectes : Témoins de Jéhovah, Pentecôtistes, Doukhobors, Mormons ; leur multiplication et leurs victimes relatives manifestent à quel point l’âme du monde blanc est malade.

D’Amérique aussi, le culte des Apollons de bas étage, des Monsieur Muscle et autres Tarzan ; d’Amérique, le star system, le lancement périodique d’une idole de chair et de plumes à laquelle des millions de midinettes, de l’hôtel de maitre au coron, vont rêver de ressembler. D’Amérique, la vogue des comics, des bandes dessinées sans intelligence et sans entrailles, mais non sans bénéfices.

D’Amérique, l’épidémie de drogues. D’Amérique le yéyé et ses corollaires moraux et sociaux. D’Amérique le pop art, cul de sac de la peinture et de la sculpture, salué comme un printemps par tous les crânes d’œuf de la presse conformiste, et caricature odieuse de l’effort de l’Europe vers la beauté, caricature qui traduit fidèlement l’état d’une période et d’une société .

L’américanisme transforme les adolescents en petits sexes à pattes, aux rêves morbides et identiques qui seront des adultes à l’image des veaux qu’ils sont présentement. Nous n’avons pas encore vu se fonder en Europe, à l’instar de ce qui existe aux Etats-Unis : un club sous-marin d’admirateurs d’Elvis Presley, à cinquante mètre sous l’eau, jeunes Américains en tenue de bain, vont admirer la statue grandeur nature, de leur idole. Ne vous en faites pas, cela ne peut manquer !

Selon l’expression du sociologue Riesman, l’américanisation rapide de notre société, bien loin de libérer, d’humaniser la masse, comme l’écrivent et le pensent certains intellectuels candides ou mal intentionnés, mais au niveau de vie en tout cas respectable, transforme cette masse en une foule solitaire ; cela fait l’affaire du grand capital, comme cela fait celle du communisme, mais cela ne fait pas la nôtre : nous savons que nous appartenons à un peuple auquel la terre doit tout, et, percevant ce que peut être notre avenir si nous en sommes dignes, nous acceptons sans peur et sans forfanterie, l’héritage du passé comme le défi du présent.

Il n’est jusqu’aux langues européennes qui ne soient menacées dans leur subtilité et leur richesse par l’américanisme : le français par exemple, outil merveilleux forgé par les siècles, est en train de devenir ce qu’Etiemble nomme un sabir atlantique.

(…)

Et l’américanisation offre au communisme le terrain le plus favorable qu’il puisse souhaiter. Le PC français le sait, lui qui a créé une revue sur le patron de Salut les Copains : Nous les Garçons et les Filles.

Dans une nation aux structures psychologiques émiettées et aux réflexes de défense anesthésiés par le nivellement à l’américaine, le virus bolchevique s’infiltre comme il veut. Ce n’est point par amour de la paix, et au risque de payer cher leur pacifisme comme certains socialistes européens de l’été 1914, que beaucoup de jeunes sont opposés au service militaire : c’est par tendresse pour les pantoufles morales qu’ils ont aux pieds. Si l’Europe ne se rebelle pas contre l’emprise des Etats-Unis, quand viendra le grand soir que préparent les communistes, elle s’effondrera sans plus de bruit qu’un château de cartes. Heureusement, la fièvre de quelques-uns, pour parler comme Bernanos, le maintient encore à sa température normale.

La lutte contre l’américanisme est ainsi indissociable du combat contre le communisme.

L’Europe sera fera contre tous les extra-Européens.

Briser l’américanisme, c’est briser les idoles et les carcans d’une société productiviste et veule.

Briser l’américanisme, c’est pour l’Europe à la fois retrouver sa tradition, et assurer son avenir. La lutte contre les soviétiques est rude, violente, la reconquête par l’Europe de soi-même, reconquête sur la décadence, et une décadence qui ressemble à s’y méprendre à l’américanisation, est plus secrète, plus ambiguë, aussi difficile sans doute.

(…)

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